jeudi 10 février 2011

Gambetta- Epilogue

L'histoire du terrain de Gambetta est intéressante à plus d'un titre.
Dans un premier temps, les fresques sont "construites" et "ordonnées".
La première frise signée par Mode 2, Kay, Lord et C.ter a probablement été réalisées sur plusieurs jours.
Elle ne contient pas de thème en particulier, mais il y a un réel travail d'harmonisation entre chaque pièce. Mode 2, en chef d'orchestre, a réussi à établir un bon équilibre entre les persos et les lettrages.
Cette première frise consacre la partie "inaugurale" du terrain. Le terrain passe de l'état "vierge" à l'état "graffé".
Honey, Lord, Zone, Cter, Tak

Avec la seconde frise de Mode 2, le terrain entre dans sa phase "iconoclaste". Contrairement au graff réalisé dans la rue ou sur train, qui est voué à être effacé, le graff en terrain est voué à être repassé.
L'éphémérité du graffiti en terrain répond à des règles plus ou moins établies, peu ou pas respectées.

La durée de vie d'un graff "construit", comme cette frise de Mode 2, est en général plus longue que celle d'un graff "spontané". Par graff "spontané", j'entends un graff réalisé directement sur un autre graff, sans couche préalable, sans fond, et avec des moyens limités (trois, quatre bombes). La durée de vie d'un graff "construit" est plus longue par respect pour la réputation de l'auteur, pour la qualité artistique de son travail et pour l'effort consenti. Mode 2 était et reste le graffeur le plus respecté et le plus adulé de la scène française. Il n'est pas étonnant de voir que c'est lui-même qui inaugure la phase iconoclaste, en se repassant lui-même.
Skki, Eko, Mode 2, Kay, Meo
Toutefois, aucun graffiti n'est sacré et il arrive toujours un moment où un graff finit par être repasssé.
Cette seconde frise réalisée par Mode 2, avec Skki, Echo, Kay et Meo est repassée au bout de quelques mois. Le terrain  entre alors dans une phase "sauvage" où les graffs "spontanés" se succèdent les uns aux autres. En l'occurrence, le terrain de Gambetta devient plus un lieu d'entraînement, un défouloir. Certains graffeurs, comme Fast, réalisent une dizaine de persos "spontanés", avec trois bombes. (Souvent péta à des graffeurs sur place d'ailleurs).

Fast-Mear (Source : Haibun)


Cette phase "sauvage" est régulièrement interrompue par un retour à une phase "ordonnée" : Un graffeur décide de repeindre entièrement un mur et de se consacrer à l'élaboration de scènes. Les lettrages et les persos sont travaillés et les fonds élaborés. Hozoï est l'un des rares à avoir répété ce type d'exercice à Gambetta. Le "Togs-Bears-Hozoi" est, pour sa part, également resté de longs mois.

Togs-Bears-Hozoi (Source : Graffiti Paparazzi)
Autre type de graff que l'on retrouvait souvent dans les terrains à l'époque : le graff "territoire". Un groupe de graffeurs réalise une fresque en l'honneur du crew. Le graff recouvre en général un mur entier. Ses proportions sont souvent colossales. Il s'agit pour le crew de s'attribuer le terrain ou un mur du terrain. Ce type de peintures avait été réalisé aux Charbonniers par les PCP et les 156. Au terrain de la Porte de Châtillon par les P2B (Graff de Stone "P2B Territory"). Au terrain du Cimetière Montmartre par les TOP. A Gambetta, ce sont les OPC (Old Predator Crew) qui s'attribue le mur du fond.

OCP (Source : 1479)


OPC (Source : haibun)

 L'histoire du terrain de Gambetta ressemble un peu à celle du terrain de la rue Saint-Sabin (cf. posts du mois de décembre). Le graff "inaugural" est réalisé par des graffeurs doués et expérimentés. En l'occurrence, le MAC-Monte Cristo Olé de 1992, avait été peint par Psyckose, Steph, Mist, Kongo, Alex et Juan, des graffeurs qui avaient tous des années de pratique. Le graff est ensuite repassé au bout de quelques mois. On entre ensuite dans une phase sauvage, entrecoupée par des graffs "ordonnés" (AEC).

L'histoire du terrain de la rue de la Roquette suit une trajectoire inverse. On a une succession de graffs "spontanés" au début. L'un des premiers graffs "construits" est le "Noyeux Joel" des MAC. Les décors du graff ne sont pas encore très aboutis, mais on a un effort de composition et un thème.
Comme me l'avait fait remarqué Karim WildWar par mail, "avant dans ce terrain, y avait eu beaucoup de bouses, puis là, tout à coup, un beau graff ! C'était la première fois qu'on assistait à un graff en direct d'ailleurs".

L'histoire des Charbonniers possède son histoire propre. Le lieu a une forte identité, développée par Psy qui a consacré de nombreux graffs aux Charbonniers. Le mur principal a très souvent servi de fresque à thème ("Bonne année 1992" ou "Porno Starz" ou encore "Comment c'était avant").
Comme on l'a dit, il a servi de graff "territoire" pour les PCP-156, mais aussi pour les UK (Undergroud Kings) et pour les TW. Enfin, on peut dire qu'il a servi à des fins marketing pour la marque "Wrung".
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Petit update pour remercier Haibun et Weny 1479 d'avoir partagé leurs photos. Voici une photo d'un graff réalisé par Karl en 1992-1993 au fond du terrain de Gambetta.

"Take it Eazy" by Karl-OPC (Source : 1479)

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Update n°2 : J'avais oublié une fresque des CP5. Elle date de 1994.
Etaient présents pour la réalisation de ce mur  : Mear, Fast, Obsen, Poch et Shun.
Sur cette photo, il manque le graff de Mear.
Les graffs de Mear et Fast étaient passés dans le n°4 de XPlicit GraffX (1994). Pas sous la main. Si quelqu'un veut envoyer le scan du mag ou de la photo, je me ferai un plaisir de passer la photo avec le crédit.

Fast-Obsen-Poch-Shuner CP5 (Source : Righters)


1 commentaire:

  1. Tu aurais des photos en haute définition de ces murs ? J'aimerais bien les voir de plus près :p

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